en pleine tourmente Metoo
Le ténor Wolfgang von Schwangau a été accusé par une ancienne amante déçue, de harcèlement. Le mouvement Metoo lancé sur les réseaux sociaux, prend alors des proportions extravagantes. Son amie Maria tente de le défendre tant qu'elle le peut, mais l'avocat du ténor lui conseille de son côté de s'excuser... même s'il n'a rien à se reprocher...
Ils se retrouvent tous deux à Munich avec leur ami Berlioz...
"— Tu as fait quoi ?
Maria s’écroula sur le canapé, stupéfaite et consternée.
— C’était la seule solution, selon mon avocat. Et Tom était d’accord. Il a donc envoyé le communiqué aux agences de presse.
Maria, le regarda d’un air à la fois désespéré et abasourdi. Puis, elle prit sa tête dans ses mains.
— Tu aurais au moins pu m’en parler avant, murmura-t-elle.
— Maria, tu n’es pas avocat, tu n’y connais rien.
— Peut-être, mais qui scrute tous les réseaux sociaux et lit tous les articles, tous plus immondes et menteurs les uns que les autres ? Qui te défend bec et ongles sur tous les fronts, et se fait insulter à longueur de journée ? Je ne crois pas que tu réalises…
Wolfgang s’assit à côté d’elle et posa sa main sur son épaule. Elle se dégagea nerveusement.
— Maria, je sais bien tout ce que tu as fait pour moi, je vois bien également dans quel état cela te met. Je crois que tu devrais lâcher le pied maintenant, et les laisser dire…
Elle le regarda d’un air furieux.
— Encore une suggestion de ton fameux avocat, je présume.
— Euh, oui, répondit-il d’un ton un peu contrit.
— Et tu le payes combien pour ses conseils foireux ?
— Cher.
— Parfait, répliqua-t-elle en levant vivement. Je te laisse donc avec tes merveilleux conseillers. Mais je pressens une catastrophe ! cria-t-elle avant de s’enfermer dans la salle de bain.
À son grand désespoir, son intuition ne l’avait pas trompée, et les excuses de Wolfgang avaient été plus que contre-productives. Le lendemain matin, l’ensemble des journaux titrait :
« Le ténor avoue les faits de harcèlement »
« Schwangau présente ses excuses à ses victimes »
« Le ténor était bien coupable »
… et toutes sortes de joyeusetés du même type se mirent à fleurir sur le web.
Ils étaient réunis tous les trois autour de la table du petit déjeuner, et Wolfgang et Hector écoutaient sans broncher la litanie des titres que leur lisait Maria d’un ton monocorde.
— Tu ne manges pas ton bacon ? demanda tristement Wolfgang.
Maria leva des yeux remplis de larmes.
— Au rythme où ça va, je vais bientôt devenir Jack l’Eventreur, dit-il d’un ton qui se voulait joyeux.
— La chose positive est qu’ils ne parlent pas encore de cannibalisme, ajouta Berlioz sur le même ton.
Maria regardait sa tranche de bacon déjà froid d’un air morne, puis se risqua à mordre dedans. Elle aurait besoin de forces pour cette nouvelle journée qui s’annonçait mouvementée… sur le web tout du moins.
La catastrophe ne se fit pas attendre. Avant midi, les théâtres qui avaient jusqu’ici affiché leur foi dans la présomption d’innocence et refusé de condamner le ténor, annonçaient qu’ils annulaient sa participation aux divers concerts prévus pour la saison à venir, les salles anglo-saxonnes, anglaises et américaines étant bien entendu en tête. Puis, le directeur du Staatsoper de Munich, cet opéra qui était presque sa seconde maison, tant il y avait chanté depuis le début de sa carrière, l’appela en personne pour lui annoncer qu’il avait demandé à un autre ténor d’assurer le rôle de Tannhaüser à la fin de la semaine. Il en était désolé, mais il ne pouvait se permettre de laisser supposer que son institution ne compatissait pas avec le sort des femmes dans le monde… Par ailleurs, plusieurs femmes choristes avaient contacté leur syndicat en expliquant qu’elles se sentaient très mal à l’aise à l’idée de se trouver sur scène en sa présence. Le directeur ne voulait pas de vagues, étant déjà en conflit avec les syndicats sur d’autres sujets. Et tant pis pour ses nombreux fans qui s’étaient jetés sur les places et venaient du monde entier pour l’écouter, ayant réservé hôtels et avions non remboursables depuis des mois.
Mais le coup le plus dur tomba en fin de journée quand Wolfgang reçut un appel de l’assistante de la direction du Festival de Bayreuth. La voix était hésitante et semblait très gênée..."
L'Escapade 1, Julia LE BRUN
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