Les Chevaliers d'Apollon

Les Chevaliers d'Apollon

L'Escapade : Témoignage de lecteur

Michèle a lu les deux tomes de l'Escapade et nous en parle, avec passion :

 

Ce roman en deux tomes est une ample saga qui met en scène le monde du chant lyrique et relie notre siècle à celui de l’âge d’or du Romantisme.

Pour donner coeur et âme à une réflexion sur l’art où l’inspiration, chère au dix-neuvième, a été remplacée à l’ère contemporaine par le culte du concept et le minimalisme, l’auteure construit une intrigue où se succèdent aventures et coups de théâtre. Ce faisant, elle libère l’opéra des clichés et le fait vivre avec feu à travers toute une galerie de personnages, dont un célèbre ténor allemand, Wolfgang, aussi cultivé que passionné par son art et par celle qu’il aime : Maria, une femme intrépide et mélomane dont la liberté d’esprit se rit des travers de notre époque.

 

Accusé à tort de harcèlement sexuel par une admiratrice éconduite, Wolfgang va aller se «ressourcer» non aux sports d’hiver ou dans un hôtel des Tropiques, mais au sein du Second Empire. Maria qui ne peut vivre sans lui, avec l’aide d’initiés, gardiens des secrets druidiques et de son ordinateur qui les a enregistrés pour un éventuel retour, parviendra à le rejoindre et nouera des amitiés ferventes avec compositeurs ou chanteurs qui éclairent le Paris d’alors.

 

Couv Escapade 1 majenta couv

Pour tenir son lecteur en haleine, l’auteure utilise différents ressorts avec une verve qui traverse les six-cents pages sans faiblir :


La satire de la modernité

Sous une plume aux formules incisives, elle dénonce les nouveaux censeurs des mœurs en ce qui regarde la morale et en matière de bon goût, les snobs qui ont en commun l’obsession d’être ringards et ne pensent qu’à travers le regard social, mais aussi le mouvement Meetoo à l’origine de la chute de Wolfgang auparavant adulé, la lâcheté des directeurs de théâtre et des collègues qui refusent de le soutenir sont analysés à contre-courant de la « bien-pensance. »

Quant au nouvel académisme qui, dans le monde de la musique, prétend casser les codes de l’opéra en plaquant sur les mises en scène les obsessions d’aujourd’hui très éloignées parfois du livret, il est à son tour épinglé : N’est-il pas plus intéressant de suggérer une liaison homosexuelle entre le roi Marc et son neveu plutôt que d’écouter le sublime leitmotive d’un amour impossible entre Tristan et Yseut ?

Mais attention, l’auteur ne plaide pas non plus pour le statu-quo et se réjouit de toute représentation originale, fût-ce les deux sœurs de Cosi Fan Tutte en bikini sur une plage, pourvu qu’elle soit intelligente et poétique.


La précision des portraits hauts en couleurs et pleins d’empathie 

Sous nos yeux comme dans un film, s’animent avec leur gestuelle, leurs mimiques, leur timbre, Pauline Viardot , la cantatrice amie de Tourgueniev, Offenbach, l’inventeur de l’opéra-bouffe, grand et mince habillé comme un dandy, Wagner, le créateur de « la musique de l’avenir » exubérant et capable de grimper aux arbres pour séduire une femme, Bizet qui après avoir entendu Maria jouer du Rachmaninov, le rejoue de mémoire avec brio alors que le compositeur n’est pas encore né !

Et comment ne pas parler de la robe rouge de Maria qui traverse salons et théâtres en y laissant l’éclat de son caractère, ou encore des crinolines semées de fleurs qu’affectionne Thérèse, cette courtisane amoureuse de Wolfgang !


La description des décors où évoluent les personnages

Elle est détaillée avec gourmandise et sensualité,  et rend la grande et la petite histoire littéralement palpable : on se promène enchantés dans le salon de musique de Pauline Viardot, chez Offenbach au piano au milieu de ses filles, dans l’appartement privé de Napoléon III,  ou encore à travers un Paris qui est en train d'être transformé par Haussmann.

 

Le rendu ciselé des conversations
Il nous fait partager les sentiments et les idées des personnages : nous entrons dans l’intimité des compositeurs et des figures historiques qui peuplent "le paradis perdu de la beauté" pour reprendre les mots de Maria à Wagner.

L’auteure insuffle tant d’humanité et de drôlerie aux compositeurs dont elle a lu la correspondance, les partitions et les biographies publiées à leur sujet, qu’ils deviennent pour ses lecteurs, des amis qui leur font partager les joies ou les tourments de la création. Pour être de grands esprits, ils n’en oublient pas moins de dire à Maria ou Wolfgang, tout le mal qu’ils pensent de leurs confrères, 

Offenbach n’est qu’un histrion pour Wagner et celui-ci un rabâcheur avec ses leitmotiv, pour Berlioz.

Maria et Wolfgang essaient quant à eux de leur expliquer à quel point ils sont chanceux de ne pas vivre dans un futur où toutes les cultures se valent, où le « moindre bruit organisé » égale un chef d’œuvre du romantisme et où, au motif de montrer la réalité du monde de façon crue, on encense la laideur.


Un suspense qui ne se dément pas.
Qui eût dit que la Première d’un opéra de Wagner, Tannhäuser, allait mettre Paris à feu et à sang ? Parallèlement au destin des personnages, il y a celui des œuvres lyriques. Si Offenbach se débat avec la censure puritaine, Wagner en dépit de ses efforts, n’arrive pas davantage à faire comprendre sa partition novatrice au chef d’orchestre qu’aux chanteurs, ce qui fait pleurer Von Bulow, son ami et pianiste virtuose. Jusqu’au dernier moment, on ignore si la représentation aura lieu. Les exigences coûteuses du Maître, et surtout son refus de placer le ballet au second acte selon la coutume, scandalisent le Directeur de l’opéra.

Mais deux hommes de pouvoir, le comte de Morny et Napoléon III, travaillés au corps par notre couple aux origines mystérieuses, ont décidé de soutenir Offenbach et Wagner. Davantage saisis sous l’angle de leur vie privée que sous celui de leur carrière politi

que, ils arrivent à devenir sympathiques, quelles que soient les convictions politiques du lecteur !

Et lorsque enfin le rideau s’ouvre sur une salle où partisans et ennemis de Wagner s’observent, le lecteur retient son souffle.

 

couv Escapade 2 majenta couvUn voyage dans le temps tel un emprunt à la science-fiction
La durée de l’Escapade qui met en regard deux siècles : le nôtre et le dix-neuvième des années 1860, donne à la perception du temps une profondeur et une acuité inattendue.
Le comportement déroutant, eu égard aux mœurs de l’époque, de Maria et de Wolfgang fascine néanmoins la cour de Napoléon III et les cercles mondains parisiens. La police les soupçonne même de comploter avec la Prusse. Surtout, c’est le choc de deux époques qui donne un sel particulier au comportement des « visiteurs » qui ont fui le matérialisme actuel.
Ainsi, imaginez le regard qu’ils jettent sur les compositeurs qu’ils ont chantés et joués à notre époque et dont ils connaissent les œuvres à naître ! Constamment, ils s’interrogent sur ce qu’ils doivent dire ou cacher pour ne pas influer sur le futur. Ils incitent Wagner, découragé par les cabales, à croire en son étoile, ou fredonnent à Offenbach un air de La Belle Hélène qui donne au compositeur l’irrésistible envie de créer cet opéra-bouffe!

Des moments aussi surprenants qu’émouvants jalonnent leur vie d’exilés joyeux : c’est Wolfgang qui chante par coeur avec Pauline Viardot le rôle de Tristan, à la stupéfaction de Wagner dont la partition n’est pas encore publiée ! C’est la fresque historique du monde à venir qu’ils font à Morny, demi-frère de Napoléon, assez ouvert d’esprit pour écouter leurs révélations et déçu d’apprendre que la Science n’a pas rendu les hommes meilleurs.

Et puis il y a des personnages qui vont accomplir la traversée inverse de celle des deux héros, reliant ainsi les siècles dans une trame vivante empreinte de fantastique : Berlioz fâché avec ses semblables sait-il qu’il s'est déjà réincarné, au vingt-et-unième siècle, radieux et roux ? Thérèse la courtisane, pour guérir de la syphilis tout comme le beau Wolfgang qui a péché avec elle, décidera-elle de suivre nos aventuriers dans leur retour périlleux au présent ? La boucle sera-t-elle bouclée ?

 

L’originalité de L’Escapade tient à ce que l’opéra n’y est pas comme dans d’autres romans, (on pense aux Illusions Perdues ou à La Dame au Camélia) un décor de fond servant de faire-valoir aux personnages lorsqu’ils vont au spectacle. On ne sait presque rien de l’œuvre qu’ils regardent. Ici, l’opéra est le centre du récit et les extraits de livrets ou de romans cités en exergue à chaque chapitre, en éclairent les multiples facettes.

 

Si, lecteur ou lectrice vous voulez quitter le présent linéaire pour entendre battre le cœur des compositeurs, lisez les premières pages de l’Escapade et vous ne pourrez plus refermer les deux tomes jusqu’à la dernière. Traversez le miroir d’un lac de Brocéliande pour entendre les voix de Wolfgang et de Pauline qu’un siècle et demi séparait, résonner ensemble et rendre à la vie toute sa beauté.

Michèle

 

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Ou bien en écrivant directement à l'auteure pour une version dédicacée : lebrunjulia@gmail.com

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27/03/2024
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