Les Chevaliers d'Apollon

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Joyeux anniversaire, Jacques ! Escapade en 1859

En ce 20 juin 2024, mon héroïne Maria et moi-même nous associons pour souhaiter à Jacques Offenbach un très joyeux 205e anniversaire. Pour l'occasion, je vous propose de découvrir des extrait de mon "Escapade". 

Maria cherche désespérément son amant Wolfgang qui s'est enfui au XIXe siècle. Débarquée elle-même à Paris en 1859, elle se tourne instinctivement vers le milieu qu'elle connait, l'opéra, et débarque donc, avec pertes et fracas... à l'Opéra Comique, en pleine répétition de Barkouf...

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"Elle se rapprocha un peu du bord de la loge pour mieux voir ce qui se passait sur scène : un spectacle pour le moins surprenant. Une femme arborant une grande robe couverte de volants roses chantait à grand renforts de trilles et vocalises déjantées, un air aux paroles encore plus exotiques que la musique : « Ici, Barkouf, tout beau ! », « Apaisez-vous », « dormez à mes genoux ». Apparemment, toute cette virtuosité vocale était destinée à… un chien ! Enfin, plutôt, à un homme déguisé en chien et qui jouait d’ailleurs très mal le chien. La jeune soprano ne savait visiblement pas trop comment se comporter et chantait, du fait, un peu mécaniquement. Elle était en pleines vocalises quand soudain, une puissante voix de baryton un peu stridente et affublée d’un fort accent allemand, se mit à retentir depuis le parterre.

— C’est très pien les enfants, c’est très pien. Ce n’est pas ça du tout ! Recommençons. Avant que Maria ait eu le temps de se pencher pour discerner d’où venait la voix, elle vit une sorte d’immense sauterelle en manteau de fourrure bondir sur la scène en brandissant une canne à pommeau doré.

— Monsieur, dit-il très sèchement, ce n’est bas bozible ! Fous n’avez chamais vu de chien ? Che crois que l’on va finir par prendre un frai cabot ! Cela en fera deux, avec moi ! ajouta-t-il en riant. Et vous mademoiselle… Che fous rappelle que fous êtes Maïma, une jeune fille tes rues, une bouquetière, pas la reine d’Angleterre ! Un peu te fraîcheur, te naturel, que diable. Fous chantez cela comme si fous étiez un automate. Et fous, tans la fosse : che sais que ch’ai écrit piano, mais là, on dirait un chœur de pleureuses ! Et puis, ces décors, c’est fraiment trop laid ! Ce n’est bas vrai, ce n’est bas la peine d’être au Comique pour avoir des décors aussi laids. ! Non, cela ne va bas, bas du tout ! cria-t-il finalement en rythmant son discours de grands coups de canne.

Finalement la sauterelle retourna d’un bond dans la salle et se réinstalla dans le petit guignol de bois qui lui était réservé, pour le préserver visiblement des courants d’air. Avec une moue méprisante, le regard furieux de la chanteuse passait alternativement du compositeur à l’homme déguisé en chien. Elle ne semblait visiblement pas d’humeur à supporter les remontrances. Ils reprirent pourtant tous deux, en s’efforçant de suivre les recommandations. Mais, au bout de quelques secondes, voyant que personne n’avait rien compris, la sauterelle leva les yeux au ciel, arracha d’autorité son bâton au chef d’orchestre et se mit à diriger tout en parlant, indiquant aux musiciens le tempo désiré, et interpellant un à un chaque instrumentiste.

Maria, fascinée, en avait complètement oublié de se cacher et se tenait désormais appuyée à la rambarde, sans perdre un mot de la scène.

— Jacques est un spectacle à lui tout seul, n’est-ce pas Madame ?

La voix avait résonné à quelques centimètres de son oreille. Elle se retourna en sursautant. Depuis la loge adjacente, un jeune homme brun à l’épaisse et longue barbe noire, l’observait avec attention. Voyant son regard gentil et rieur, Maria ne put s’empêcher de lui répondre d’instinct par son plus beau sourire. Elle reconnut tout de suite le jeune homme pour l’avoir vu en compagnie d’Offenbach à la sortie du Café Riche.

— Il est toujours comme cela ? répondit-elle.

— Pas toujours ! Là il est plutôt calme, répondit-il sur le même ton. Vous ne le connaissez pas ?

— Oui, et non… En tous cas, je ne connaissais pas cette œuvre. C’est très beau… bien qu’un peu bizarre.

— Il serait étrange que vous la connaissiez, vu qu’Offenbach vient de la composer ! s’exclama une autre voix.

Maria réalisa que le jeune homme n’était pas seul dans la loge adjacente et se pencha pour identifier son interlocuteur. Il était assis, les jambes croisées et un peu en retrait, sans qu’elle puisse voir son visage.

— Vous savez, je connais tellement bien les œuvres d’Offenbach que je connais même celles qu’il n’a pas encore composées ! répondit-elle en riant… et en chantonnant discrètement un petit extrait de La Belle Hélène.

Le barbu l’observa quelques instants avec curiosité et lui fit signe de les rejoindre. Elle ne se fit pas prier."

Julia Le Brun, Extrait de "L'Escapade"

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20/06/2024
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