Les Chevaliers d'Apollon

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Le Duc de Morny fait "Grenouille A I"

Maria et Wolfgang sont finalement parvenus à nouer une belle amitié avec le Duc de Morny, demi-frère de Napoléon III... Ce dandy est très ouvert à la modernité, et a bien accepté le fait que nos héros viennent du XXIe siècle... Mais tolérera-t-il que cette femme lui donne un leçon de natation, alors qu'ils pataugent tous deux dans la Manche à Deauville ? Mais elle, a bien dû subir la torture d'enfiler une "tenue de bain" féminine de l'époque... 

Napoléon III prend des cours de natation dans la mer à Trouville.png

 

Wolfgang pouffa : avec ses manches bouffantes remplies d’air qui faisaient remonter ses bras, son large manteau qui flottait à mi-eau autour de sa taille et ses cheveux collés sur son visage, Maria était adorable.

— Mais non, tu flottes, tu es toute mignonne, on dirait une bouée gonflable.

Il la prit alors dans ses bras et s’amusa à la faire sauter dans l’eau jusqu’à ce qu’ils finissent tous deux par éclater de rire.

Morny, qui était parmi ceux qui avaient crié et s’était immédiatement empressé vers elle, les observait désormais avec stupéfaction.

Désolée, je voulais vous faire une démonstration de mes talents de natation, mais ce sera pour une autre fois ! dit-elle entre deux hoquets.

— Vous m’avez fait une belle peur. Louise se demandait pourquoi vous aviez oublié votre corde.

— Ma corde ? Mais pour quoi faire encore ?

— Vous savez nager alors ?

— En temps normal oui ! dit-elle se dégageant des bras de Wolfgang.

— Pourquoi en temps normal ? La mer de votre siècle est-elle différente de la nôtre ?

— Non, ce sont les maillots de bain qui ont légèrement changé.

— Regretteriez-vous par hasard ce que vous appelez un « bikini »  ? demanda Morny avec un sourire béat.

Maria resta bouche-bée.

— Mais, comment… ?

— L’Empereur et moi parlons souvent de choses très sérieuses vous savez ! Et puis, je me souviens de certaine photo. Il est bien dommage que vous n’ayez pas emporté ce « vêtement » d’ailleurs, répondit-il avec un sourire entendu.

Maria se tourna vers Morny qui s’était mis à nager, la tête bien sûr hors de l’eau — pas question de risquer de gâcher sa moustache impériale savamment agencée —. Esquissant ce qui ressemblait à une ébauche de mouvement de brasse, les jambes pendant pitoyablement derrière lui, il flottait mais n’avançait guère. À la fin, n’y tenant plus, elle se rapprocha de lui.

— Si vous permettez, Excellence Charles-Auguste, vous, vous nagez très mal !

Wolfgang leva les yeux au ciel. Il craignait le pire. Morny se remit debout et lissant nerveusement sa moustache, lui jeta un regard offusqué.

— Ma chère, je plongeais déjà dans les vagues de la Manche lorsque vous n’étiez pas née ! Je me souviens encore des terreurs de ma gouvernante.

— Ah, le crawl peut-être, mais pas la brasse !

— Eh bien, je ne demande qu’à apprendre ! répondit-il sèchement.

Maria sourit de toutes ses dents. Un cours de natation privé au duc de Morny ? C’était dans ses cordes ! Elle réfléchit quelques instants : il s’agissait de l’entraîner à coordonner ses mouvements de bras et de jambes, et pour cela, l’idéal eut été de disposer d’une bouée… qu’elle n’avait pas. Soudain, elle eut une idée. Elle se rapprocha du bord et réclama une chaise.

— Une chaise ? Que voulez-vous faire d’une chaise ?

— Vous voulez apprendre la brasse, oui ou non ?

— Euh… oui, dit Morny, un peu inquiet.

— Donnez-moi une chaise et par pitié, messieurs-dames, allez vaquer à vos occupations, vous intimidez monsieur le duc !

Comprenant où elle voulait en venir, un policier en civil ainsi que le valet de pied de Morny, qui ne quittait pas son maître des yeux, s’empressèrent d’écarter sans ménagement les curieux. De son côté, Louise, qui regardait toujours Maria avec la même admiration stupéfaite, s’empressa de lui tendre une chaise que la jeune femme enfonça dans le sable, le siège était situé à peu près au niveau de l’eau.

— Maintenant, allongez-vous sur le ventre ! ordonna-t-elle.

— Quoi ? Mais…

— Allongez-vous comme si vous vouliez nager, comme ça, dit-elle en lui montrant l’exemple.

Il obtempéra sagement et s’allongea de manière à ce que son ventre reposât sur le siège de la chaise. Wolfgang suivait la scène avec un immense amusement, tout en pataugeant allègrement dans un mètre d’eau. Après s’être assurée par un geste par ailleurs assez osé que Morny était bien positionné, Maria commença :

— Voilà, alors, le mouvement des jambes, c’est facile, c’est « grenouille A I ».

— Pardon ? dit Morny qui, positionné de la sorte, se sentait déjà parfaitement ridicule.

— Vous voyez les grenouilles ? Eh bien, vous pliez les jambes comme elles. Voilà, exactement. Bon, ensuite, vous écartez les jambes pour faire un A. On peut dire aussi « Tour Eiffel » mais ça ne vous aiderait pas beaucoup vu qu’elle n’a pas encore été construite. Donc, A ! Voilà…

Morny, obéissant, tentait de ne pas rougir de honte.

— Ensuite, vous refermez les jambes, pour faire un I. Parfait. Maintenant on repart : « Grenouille A I ». Vous m’en faites autant que vous voulez jusqu’à ce que ce soit naturel.

Wolfgang observait désormais avec beaucoup de sérieux, réalisant que même lui n’avait jamais vraiment correctement appris à nager la brasse.

— Bon, maintenant, nous allons mettre les bras et tenter de coordonner l’ensemble, continua Maria en lui montrant le mouvement. On reprend maintenant : « Grenouille A I ».

La leçon continua ainsi pendant une petite demi-heure, et Maria, toujours dans l’eau, finit par remercier les vêtements qui la protégeaient, elle et son élève, du froid glacial de la Manche. Wolfgang avait fini par sortir et assis dans le sable, une couverture sur les épaules, ne manquait pas une note du spectacle, une surveillance qui garantissait en outre l’honneur de sa femme, dont la position aurait alors pu passer pour délicate, d’autant plus que les rumeurs sur sa supposée relation avec Morny ne s’étaient jamais tues. Mais Maria s’en moquait bien, elle s’amusait comme une folle et Charles-Auguste aussi.

— Dites-moi, Schwangau, dit-il une fois sorti, alors que son valet lui tendait un linge, vous ne voulez pas nous la laisser ? Vous pourriez aller faire votre petit voyage et vous faire soigner tout seul là où vous voulez. Nous nous occuperions d’elle.

Wolfgang sourit d’un air entendu.

— Ça, je n’en doute pas un seul instant.



[1] Transmise depuis de génération en génération, la technique inventée par Maria est encore utilisée de nos jours par les maîtres-nageurs…



28/06/2024
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